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France: la journaliste Dominique Simonnot nommée contrôleuse générale des prisons

Voilà un vide qui devrait enfin être comblé. Une journaliste de 68 ans, Dominique Simonnot, chroniqueuse judiciaire au Canard enchaîné et autrice de plusieurs ouvrages sur la justice, a été nommée lundi par le chef de l’Etat contrôleuse générale des lieux de privation de liberté (CGLPL), une autorité administrative indépendante, forte de 50 contrôleurs, dont le rôle est de défendre les droits des détenus. Avant d’embrasser la carrière de journaliste, où elle a brillé à Libération entre 1991 et 2006, spécialisée dans les affaires judiciaires puis cheffe de service informations générales, Dominique Simonnot, née dans une famille d’avocats, avait été éducatrice dans l’administration pénitentiaire.

Depuis le départ d’Adeline Hazan, le 17 juillet, après six ans de mandat non renouvelable, la vigie des droits fondamentaux dans les prisons, hôpitaux psychiatriques, centres de rétention administrative, centres éducatifs fermés ou locaux de garde à vue, n’avait toujours pas été remplacée.

De quoi laisser planer le doute sur une impréparation, une indifférence, voire une insensibilité alors que les lieux de privation de liberté, en pleine pandémie, voient leur situation se dégrader.

Bien que le contexte ait évolué avec le désengorgement lié (58 695 détenus au 1er juillet, contre 72 500 à la mi-mars), la tension, comme l’actualité du monde carcéral, restent vives. Derniers exemples en date : dans une décision majeure, vendredi, le Conseil constitutionnel a donné cinq mois au Parlement pour voter une nouvelle loi permettant aux personnes en détention provisoire de saisir un juge judiciaire si elles sont incarcérées dans des conditions indignes, pour qu’il y mette fin. Et le Conseil d’Etat doit se prononcer sur l’appel formulé par la chancellerie après que le tribunal administratif de Toulouse, le 4 septembre, a enjoint la maison d’arrêt de Seysses, de prendre des mesures adaptées (dépistage, port du masque) face au Covid-19.

On commençait à s’inquiéter très sérieusement de cette vacance”, dit à Libération François Bès, coordinateur du pôle enquêtes à l’Observatoire international des prisons. “On a enfin un nom, et pas n’importe lequel : celui d’une observatrice au fait de ces enjeux, qui n’a cessé de pointer les dysfonctionnements et les atteintes à la personne dans les lieux privatifs de liberté.

Pour autant, il persiste à regretter que les avis de la CGLPL, “souvent très précieux, ne soient pas contraignants. Au moins aident-ils à mettre de la lumière sur cette face obscure de la justice.

La tâche est immense. Entre 2014 et 2020, sous la houlette d’Adeline Hazan, le CGLPL aura visité 164 établissements de santé mentale, 133 établissements pénitentiaires, 43 centres éducatifs fermés, 27 centres de rétention administrative, 10 locaux de rétention administrative, 18 zones d’attente, ainsi que 168 commissariats et 144 gendarmeries.

Si elle se félicitait de l’utilité de sa mission après six ans de mandat, et des “améliorations sur le terrain”, Adeline Hazan déplorait notamment que “la prison reste la peine de référence”, que “la rétention administrative est souvent utilisée par commodité”, ou que l’hospitalisation sous contrainte soit “toujours en augmentation”. Et pointait du doigt des “blocages persistants”.

Ainsi,“on continue de retirer lunettes et soutien-gorge aux personnes gardées à vue, des femmes continuent d’accoucher menottées en présence de surveillantes, des enfants sont enfermés en centres de rétention administrative, l’informatique et le numérique ne sont toujours pas entrés dans les lieux de privation de liberté“…

La nouvelle contrôleuse des prisons ne pourra pas prendre ses fonctions avant d’avoir été entendue par l’Assemblée nationale et le Sénat.