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France : Khaled Miloudi, la plume en vaut la peine

Après vingt-deux ans de prison, le braqueur a obtenu le 18 avril un placement temporaire à domicile pendant l’épidémie. Une étrange parenthèse de liberté en plein confinement au cours de laquelle il a raconté à “Libération” comment l’écriture l’a sauvé.

La première goutte de pluie est tombée sur le mot “peine”, la deuxième sur “trouille”, la troisième sur “virage”. Puis, très vite, l’encre s’est diluée sur les pages de notre cahier, emportant le flot de paroles de Khaled Miloudi, hilare, à l’autre bout du banc. Il pleut et il faut rentrer. A croire que l’ancien voyou de 60 ans est toujours à contretemps, pris dans une perpétuelle embrouille entre le dedans et le dehors. Après vingt-deux ans de prison au total, il est sorti le 18 avril - à 8 h 15, précise-t-il - du quartier de semi-liberté de la Santé à Paris, exceptionnellement désengorgé pour cause de crise sanitaire. Le voilà donc hors les murs alors que le reste du monde est cloisonné.

Celui qui rêvait, depuis tant d’années, de balades en forêt, de l’eau bleue d’une piscine et de joyeuses embrassades avec ses six enfants a dû se contenter de conversations Skype et de déambulations avec attestation. Chaque jour, il travaille comme chauffeur-livreur de matériel sanitaire puis rentre chez un ami qui l’héberge, dans le XIe arrondissement de Paris. “C’est ma plus longue permission”,sourit-il. Néanmoins, comme sa vie tourne décidément dans le sens inverse des aiguilles du monde, quand la capitale sera totalement déconfinée, il devra à nouveau regagner sa cellule chaque soir. “J’essaie de m’y préparer mais ce sera difficile”, soupire-t-il.

Khaled Miloudi est une “longue peine” comme on dit, de celles qui requièrent un peu d’arithmétique. Son avocat, Me Eric Plouvier, résume : “Il a été condamné à vingt ans par une cour d’assises et vingt-cinq par une autre. La confusion des peines a été refusée et le total ramené à trente ans, soit le maximum encouru.” Une série de braquages noircit son casier. Mais plus important pour Khaled Miloudi, une série de poèmes noircit ses cahiers.

(éditions abonnés)