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France : indignité des conditions de détention et pressions subies par un détenu de la prison de Nanterre. Le Conseil d'Etat tacle l'administration.

Le Conseil d'Etat constate en référé les conditions indignes de détention subies par un détenu de la maison d’arrêt des Hauts-de-Seine et souligne les représailles qui ont accompagné son action devant les tribunaux.

Des cafards qui empêchent de dormir parce qu’ils grimpent sur le lit, une absence de chasse d’eau qui provoque d’insupportables odeurs dans l’espace réduit d’une cellule, un robinet par lequel ne s’écoule qu’un filet d’eau froide, des draps inchangés depuis plusieurs mois et le froid qui s’infiltre par une fenêtre vétuste…

Après avoir en vain, pendant des semaines, alerté la direction de l’établissement, une personne incarcérée au sein de la maison d’arrêt des Hauts-de-Seine a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise pour que soit constaté le caractère indigne de ses conditions de détention.

En 2020, toutefois, l’exercice de leurs droits par les personnes détenues, placées sous la garde d’une administration qui prend en charge tous les aspects de leur vie quotidienne, reste perçu comme un insupportable affront : la veille de l’audience, en représailles, le requérant a subi une fouille à nue illégale et dissimulée, des menaces et des pressions de la part d’agents.

Le 16 novembre dernier, le juge des référés a ordonné au garde des Sceaux d’assurer et de garantir l’intégrité physique et psychologique du requérant, manifestement victime de pressions, et a ordonné qu’il lui soit fourni un chauffage d’appoint, que soit réalisée une désinsectisation rapide et que ses draps soient lavés de façon hebdomadaire – constatant que d’autres réparations ponctuelles sollicitées avaient été effectuées de manière opportune la veille de l’audience.

La direction de la maison d’arrêt des Hauts-de-Seine a alors fait connaitre au prisonnier sa ferme intention de ne pas exécuter l’injonction et n’en a fait appel que le dernier jour, tentant dans l’intervalle de se constituer des preuves pour assurer sa défense devant le Conseil d’Etat : relevés de température non contradictoires, photographies de la cellule prises hors sa présence, convocations multiples dans le bureau de la direction.

Mais les éléments produits n’ont pas convaincu le Conseil d’Etat qui a, le 16 décembre, devant des représentants du Ministère de la Justice, de la direction nationale de l’administration pénitentiaire, de la direction interrégionale pénitentiaire et de la direction de l’établissement, confirmé en tout point l’ordonnance attaquée, réaffirmant l’indignité des conditions matérielles de détention subies par le requérant.

S’agissant des violences, le Conseil d’Etat a d’abord rappelé “la difficulté pour une personne détenue de rapporter la preuve des menaces dont elle affirme être l’objet” et a dans ce contexte jugé que les faits dénoncés par le requérant étaient établis, en dépit des dénégations de l’administration. D’autre part, le Conseil d’Etat estime à son tour que le requérant a subi des “mesures humiliantes, notamment une fouille intégrale injustifiée, effectuée en dehors du cadre réglementaire, dans un objectif d’intimidation” et a estimé que ces mesures de rétorsion constituaient un traitement inhumain et dégradant interdit par l’article 3 de la convention européenne des droits de l’Homme.

Le 30 janvier 2020, la France avait été définitivement condamnée par la CEDH dans un arrêt JMB et autres c. France, non seulement pour le caractère structurel de sa surpopulation carcérale et des conditions de détention qu’elle engendre, mais encore pour l’absence de recours effectif à disposition des personnes détenues pour faire cesser les traitements inhumains et dégradants qu’elles subissent de ce fait.

En attendant que le Parlement adopte, avant la date butoir du 1er mars 2021 fixée par le Conseil constitutionnel, un recours effectif et efficace pour répondre à la carence de notre droit, le Conseil d’Etat vient effectuer un rappel salutaire : le fait que la personne détenue, placée dans une situation de particulière vulnérabilité vis-à-vis de l’administration, se heurte à une absolue inégalité des armes pour rapporter la preuve des conditions indignes de détention.