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France : en prison, comment les détenus radicalisés sont-ils suivis à leur sortie ?

La France a mis en place plusieurs dispositifs pour évaluer et gérer les détenus signalés à risque pendant leur incarcération. Mais à la sortie, la surveillance ne cesse pas.

Condamné à 27 reprises, le principal suspect dans l’attentat du marché de Noël de Strasbourg, Cherif Chekatt, a passé près de quatre années dans les prisons françaises. C’est là, en 2015, qu’il a été signalé pour sa radicalisation et son prosélytisme religieux, faisait l’objet d’une fiche S. Il était suivi par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI).

Actuellement, en France, 504 personnes sont en détention provisoire ou condamnées pour des faits liés au terrorisme, de l’apologie au retour de Syrie, jusqu’au projet d’attentat. Par ailleurs, 1.077 personnes sont écrouées pour des faits de droit commun (braquages, violences, escroquerie, trafics) et sont susceptibles d’être radicalisées. Parmi elles, 300 doivent sortir de prison l’an prochain. Dans chacune de ces catégories, il existe des profils très inquiétants et d’autres beaucoup moins.

Comment intervient-on auprès de ces détenus radicalisés ?

Il y a un peu moins d’un an, des quartiers d’évaluation de la radicalisation (QER) ont été créés. Europe 1 a pu en visiter deux. Là, pendant quatre mois, les détenus sont scrutés par des équipes pluridisciplinaires, composées de psychologues, d’éducateurs et de surveillants dédiés. Ils peuvent être sur écoute, parfois même par des équipes arabophones. Actuellement, 50 personnes sont en cours d’évaluation.

À l’issue de ces quatre mois, l’administration a trois possibilités. Les moins dangereux - qui représentent un tiers des détenus évalués - retournent purger leurs peines en détention classique, avec une surveillance attentive du renseignement pénitentiaire.

Parmi ceux considérés comme dangereux, deux profils se dégagent. Les plus prosélytes sont placés dans des quartiers à part, comme celui de Lille-Annœullin - où se trouvent une vingtaine de détenus - ou à Condé-sur-Sarthe. Ces détenus restent entre eux afin d’éviter qu’ils ne recrutent les autres. Quant à ceux que l’on estime capables de passages à l’acte violents car ils sont les plus influençables, ils sont placés à l’isolement pour ne pas être la cible de stratégie d’emprise mentale.

Une attitude décriée par beaucoup d’avocats, qui considèrent que l’effet est plus négatif que positif pour les détenus concernés. “Ils ont accès à beaucoup moins de choses que le détenu lambda. Ils ne peuvent pas travailler, par exemple. Dans un système d’isolement, on s’enferme soi-même dans le pire, on est figé sur l’infraction qui nous est reprochée. On crée de la défiance et de la colère”, observe Me Marie Dosé au micro d’Europe 1.

Comment gérer leurs sorties de prison ?

300 détenus de droit commun signalés comme radicalisés - comme le profil du suspect de l’attaque de Strasbourg - vont donc sortir de prison prochainement. Sortiront aussi une cinquantaine de condamnés pour des faits liés au terrorisme qui ont purgé leurs peines. Il existe tout un arsenal judiciaire de suivi, dans lequel figure le recours aux bracelets électroniques géolocalisés.

Mais c’est surtout la circulation de l’information qui est indispensable. C’est pourquoi le renseignement pénitentiaire est devenu un vrai service de renseignement, avec les mêmes habilitations et les mêmes exigences. Les agents échangent des informations avec la DGSI, par exemple, et assurent la continuité du suivi, afin que la détention ne soit pas seulement une parenthèse. Fréquentations, comportements, changements notables, liens avec l’extérieur… tout est noté.

À partir de ces données, une cellule d’une centaine personnes spécialisées au ministère de l’Intérieur, sous l’égide de l’UCLAT (l’Unité de coordination de la lutte antiterroriste) va répartir les sortants. Untel aura un suivi piloté par la DGSI, tel autre par le renseignement territorial. Si la cellule désigne le pilote du suivi, c’est ensuite au niveau départemental, sous la houlette du préfet, que l’on va décider au cas par cas de l’intensification ou du relâchement du suivi.

Mais quand on sait que ces services suivent déjà une grosse moitié des 20.000 fichés au titre de la prévention de la radicalisation terroriste (selon le dernier décompte de Matignon, publié en février dernier), il est évidemment impensable et matériellement impossible d’avoir une surveillance de chacun, 24 heures sur 24.

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