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France : désengorgement des prisons, " beaucoup de détenus ne sont pas prêts"

Alors que près de 12 000 personnes ont été libérées depuis le confinement dû au Covid-19, le contexte économique crée des difficultés à trouver du travail et augmente ainsi le risque de récidive. Clotilde Gilbert, présidente de l’association « Wake up Café », qui accompagne plusieurs centaines de détenus, revient sur ces difficultés.

La Croix : Quelles sont les difficultés propres au confinement pour les détenus sortants en cette période de pandémie de Covid-19 ?

Clotilde Gilbert : La sortie de prison est toujours compliquée. Il faut se mettre à jour d’un point de vue administratif et faire attention à ses anciennes fréquentations qui peuvent avoir une mauvaise influence, sans compter les difficultés pour retrouver un logement. Même une personne qui n’est restée enfermée que trois ou quatre mois perd ses repères.

Mais la grosse problématique, c’est l’emploi. Dans un contexte économique qui va rendre extrêmement compliquée la recherche d’un travail, même après le déconfinement. Pourtant, l’emploi est très important pour prévenir la récidive. Si on ne trouve pas un job dans un contexte légal, on peut vite repartir dans un circuit parallèle.

Vivre en confinement est déjà compliqué pour tout le monde, or beaucoup de sortants vivent à plusieurs dans de petits espaces. En ce qui concerne les démarches administratives, beaucoup d’établissements sont fermés. Ne serait-ce que demander le RSA prend énormément de temps. Certaines personnes ont du mal à se nourrir. Pour essayer de pallier à cela, nous avons pu bénéficier de la générosité des fondations et lancé deux cagnottes en ligne. La réinsertion des sortants de prison est désormais un challenge encore plus grand, ils ont besoin de la solidarité de tous.

Quel rôle joue une association comme la vôtre pendant cette période particulière ?

C. G. : Nous accompagnons les personnes dans leurs démarches et apportons aussi un soutien psychologique. Il est important de se sentir entouré par une communauté. Parmi notre centaine de bénévoles, nous avons des anciens détenus qui soutiennent les nouveaux sortants. Mais, en ce moment, l’assiduité est compliquée. On encourage nos bénévoles à insister auprès des personnes que l’on aide. Le risque est que certains reprennent le rythme de la prison - où on vit beaucoup plus la nuit que le jour - et les mauvaises habitudes.

Depuis 2014, nous avons accompagné 400 personnes pour un taux de récidive de 8 %. Nous avons ouvert quatre sites, bientôt cinq. Celui de Montpellier a ouvert la semaine où a été déclaré le confinement. Comme nous n’avons aucun contact physique, nous organisons les parcours en visioconférence tous les jours ainsi que des rendez-vous professionnels à distance, des tables rondes. Nous avons fourni des tablettes aux personnes qui n’ont pas de matériel. On rouvre nos sites le 11 mai à effectif réduit, avec des consignes sanitaires strictes. L’accueil reste une priorité pour nous, c’est par la rencontre que les liens se créent et que l’envie de s’en sortir tient.

L’administration pénitentiaire doit-elle continuer cette politique de désengorgement des prisons ?

C. G. : Nous sommes un partenaire reconnu de l’administration pénitentiaire, nous travaillons en l’état et n’avons pas de revendications particulières. Mais, d’un point de vue personnel, le taux de récidive en France tend à montrer que certaines peines ne sont pas si utiles que cela. Plus de 60 % des personnes condamnées à une peine de prison ferme sont recondamnées dans les cinq ans. Peut-être faudrait-il enfermer moins et éduquer plus. En s’aidant de ce bon outil que sont les travaux d’intérêt général par exemple ?

Les 11 500 personnes libérées depuis le début du confinement allaient de toute façon sortir dans les semaines ou les mois à venir, il s’agit de fins de peines. Mais dans l’état actuel des choses, beaucoup ne sont pas du tout prêts. Derrière les barreaux, ce ne sont pas des monstres. La peine moyenne en France, toutes peines confondues, est de huit mois, soit une large majorité de courtes peines. Le plus important c’est la réduction du taux de récidive, tout le monde doit avoir cela en tête. Si on aide à la réinsertion alors on diminue la récidive, et ainsi le nombre de délits.