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France : comme des bêtes en cage

Y. a passé plusieurs années à la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis. À travers le récit minutieux d’une extraction judiciaire, il révèle les atteintes ordinaires à la dignité subies par les personnes détenues.

En prison, il existe plusieurs types de mouvements. Mais peu importe la destination, la chorégraphie, elle, ne change pas, toujours axée sur la sécurité et l’autorité. Le plus important, dans l’ordre de priorité de l’administration pénitentiaire, est l’extraction judiciaire.

Les extractions judiciaires répondent à des convocations émises par les autorités judiciaires auprès de l’administration pénitentiaire requérant la présence d’un de ses détenus. Sur cette convocation, on peut souvent lire la mention “de gré ou de force” – le détenu n’a ainsi d’autre choix que d’accepter son extraction. Généralement, il est prévenu entre 21 h et minuit qu’il sera extrait à 5 h du matin, sans plus de précisions sur sa destination.

Certains détenus se sont vus contraints de traverser le pays sans s’y être préparés, d’autres ont été escortés à travers les océans et les continents pour rejoindre une ville d’Outre-mer, à la Réunion, en Polynésie ou en Guyane… D’autres, encore, se sont vus livrés à des autorités étrangères sans en être prévenus. Ce ne sera pas mon cas.

5h15, on vient me chercher dans ma cellule. Toujours la même musique désagréable : le son des loquets, des portes qui claquent, réveillant du même coup toute la coursive. Puis, le bruit de la clé qui tente de trouver le bon angle dans la serrure. Après quelques instants, la porte s’ouvre. Je suis déjà prêt : je me suis levé une heure avant pour me préparer. Puisque c’est la même musique, c’est aussi la même danse : je sors, me range à côté de la porte, contre le mur. Palpation, vérification des documents en ma possession. Une fois le contrôle effectué, je me place machinalement sur la bande noire au centre de la coursive et, escorté, nous nous dirigeons vers le rond-point. Je suis les surveillants jusqu’à une aile, où ils ouvrent une porte, m’indiquant que je dois y entrer. Me voilà dans une petite pièce d’environ 10 m2 avec une bonne dizaine d’autres détenus. Une quarantaine de minutes plus tard, les surveillants viennent nous chercher. Nous montons à bord de la camionnette et sommes conduits au “dispatching”.

Le corps entièrement nu, inspecté sous toutes ses coutures

Le dispatching est le lieu commun à tous les détenus qui entrent ou qui sortent, un grand hall froid et sec, éventré, traversé par des courants d’air. Là, nous sommes regroupés par lieu de destination (hôpital, tribunal, etc.). Nous attendons qu’une escorte de la gendarmerie vienne nous chercher. Lorsque les gendarmes arrivent, nous sommes sélectionnés pour une “FI”, fouille intégrale. Un par un, nous sommes emmenés dans une cellule à l’écart du hall, puis, encadrés par deux, trois, parfois quatre gendarmes, il nous est demandé de nous déshabiller. Tous nos vêtements sont minutieusement inspectés. Une fois complètement nu, nous devons lever les bras en l’air, pour qu’ils puissent inspecter nos aisselles. Puis nous devons ouvrir la bouche et tirer la langue vers le haut, afin qu’ils soient certains que rien n’y est dissimulé. Il arrive aussi que certains agents nous demandent de relever nos testicules pour plus de précautions. Voilà pour le côté face. Toujours à poil, il nous est demandé de nous retourner et d’écarter les jambes, puis de lever les pieds l’un après l’autre pour en montrer la plante. Là, certains agents s’accroupissent pour mieux inspecter notre cul. L’inspection finie, enfin nous nous rhabillons, puis nous sommes priés d’attendre dans une autre cellule que tout le monde ait été fouillé, avant de nous faire embarquer dans la “bétaillère”.

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