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États-Unis : l’Alabama sommé de réformer ses prisons

Un rapport dénonce des problèmes “systémiques” dans les treize établissements pénitentiaires de cet Etat rural, où le taux d’homicides en détention est le plus élevé du pays.

Record de meurtres, viols “à toute heure du jour ou de la nuit”, overdoses à répétition… Le gouvernement américain a dressé, mercredi 3 avril, un tableau accablant de la violence dans les prisons pour hommes de l’Alabama, dénonçant des problèmes “graves” et “systémiques”. Le rapport du ministère de la justice ordonne des réformes immédiates.

Selon ces conclusions, obtenues au terme de deux ans et demi d’enquête, les services correctionnels d’Alabama “échouent à protéger les détenus” et “violent la Constitution”, qui interdit les punitions “cruelles”.

Les treize prisons pour hommes de l’Etat détiennent le taux d’homicides en détention le plus élevé du pays, soit huit fois la moyenne nationale en 2017, rappellent les auteurs du rapport. De janvier 2015 à juin 2018, les autorités locales ont fait état de vingt-quatre meurtres de prisonnier, facilités par la détention massive d’armes, notamment des couteaux ou des machettes fabriquées sur place. Et les experts du ministère craignent que la réalité soit encore pire. Selon eux, quatre homicides ont été classés en mort naturelle dans cette période.

Surpopulation carcérale et manque de personnel

Parallèlement, au moins vingt-sept détenus sont morts d’overdose à cause de l’« incapacité » du personnel à “empêcher les trafics de drogue”, écrivent-ils. Quant aux violences sexuelles, les experts ont enquêté sur 600 incidents dénoncés et en concluent que “les abus ont lieu dans les dortoirs, dans les cellules, dans les aires récréatives, à l’infirmerie, dans les toilettes, dans les douches, à toute heure du jour ou de la nuit”.

Pour eux, ces violences s’expliquent d’abord par la surpopulation carcérale en Alabama, où les prisons abritent plus de 16 000 détenus alors qu’elles ont été conçues pour moins de 10 000.

Ces établissements manquent également cruellement de personnel : moins d’un poste sur trois était pourvu en juin 2018, si bien que les gardiens sont épuisés et incapables d’effectuer les rondes et les fouilles indispensables. Quand un détenu est “blessé ou poignardé, il doit chercher de l’aide dans d’autres parties de la prison ou cogner les portes pour attirer l’attention des gardiens”, notent les experts mandatés par le gouvernement.
Enfin, critiquent-ils, le regroupement des détenus difficiles dans des dortoirs fermés, privés de toute sortie, “augmente les tensions” et les risques dans ces unités peu surveillées. Pour autant, assurent-ils, certains responsables “se montrent volontairement indifférents”.

Des données à venir sur les abus commis par les gardiens

En conclusion, ils donnent une liste de recommandations aux autorités de l’Alabama avec un calendrier serré : recruter 500 gardiens dans les six mois, installer des portiques de sécurité à tous les accès dans les deux mois… Les services correctionnels ont 49 jours pour commencer ces démarches, faute de quoi le ministère de la justice pourra déposer plainte.
Dans un communiqué, la gouverneure républicaine de l’Etat, Kay Ivey, a assuré partager les préoccupations du ministère et promis de coopérer pour “trouver une solution en Alabama à ce problème de l’Alabama”.
Le chef des services pénitenciers, Jeff Dunn, a lui souligné les efforts déjà engagés, avec 86 millions de dollars votés au budget de 2018 et 2019 pour recruter des gardiens et du personnel médical. Nous avons “aidé le ministère dans la mesure du raisonnable lors de son enquête”, a-t-il ajouté.
Pourtant, les experts mandatés par le gouvernement fédéral ont dû laisser en suspens un volet de leurs investigations portant sur les abus commis par les gardiens. Ils ont dû saisir la justice pour obtenir certains documents et rendront leurs conclusions ultérieurement.
En 2014, le gouvernement fédéral avait déjà poursuivi les services pénitenciers de l’Alabama pour qu’ils réforment une prison pour femmes à “l’environnement toxique”. Depuis, des réformes “peu coûteuses” de formation et d’encadrement ont été engagées et “ont transformé cette prison, la pire du pays pour les femmes, en modèle”, assure l’association Equal Justice Initiative, en espérant que l’Alabama suive la même voie pour les établissements masculins.

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