Actualité

Côte d’Ivoire : portes ouvertes à La Maca, prison centrale d’Abidjan

De loin, on pourrait presque s’y méprendre : des murs jaune clair, un grand portail vert… La Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (Maca) a des allures de camp de vacances. De près, on distingue mieux les hommes en armes postés en haut des miradors, les barbelés qui surplombent le mur d’enceinte et le fronton de la porte d’entrée qui proclame le nom de l’établissement. Bienvenue dans la plus grande et la plus célèbre des prisons de Côte d’Ivoire. Le cinq-étoiles de la détention, refait à neuf il y a quelques mois. « On sait quand on y entre, mais pas quand on en sort », ironisent les Abidjanais.

Ici, on “accueille” aussi bien les bandits de grand chemin que les hommes politiques, mais eux sont logés dans le quartier VIP, dans un bâtiment légèrement à l’écart. Laurent et Simone Gbagbo, les anciens époux présidentiels, sont passés par là en 1992. À la fin des années 2000, il y eut les pontes de la filière café-cacao, Henri Amouzou, Tapé Doh ou Angéline Kili, tous remis en liberté provisoire en 2011. En août dernier, Laurent Akoun et Alphonse Douati, respectivement secrétaire général et secrétaire général adjoint du Front populaire ivoirien (FPI) fondé par Laurent Gbagbo, y ont été incarcérés.

Construite en 1980, la prison de douze hectares était prévue pour 1 500 personnes. Depuis, elle a battu tous les records, culminant à 5 400 détenus en 2011. Située aux abords de la forêt du Banco, dans le quartier de Yopougon, elle a souvent été le théâtre d’évasions spectaculaires. La plus importante a eu lieu en mars 2011, au plus fort de la crise postélectorale : la totalité des prisonniers s’est fait la malle, alors qu’Abidjan était en proie à de violents affrontements, et de nombreuses questions subsistent encore sur la “spontanéité” de l’évasion. Les groupes armés fidèles à Alassane Ouattara, tout comme ceux restés fidèles à Laurent Gbagbo, ont été accusés d’avoir volontairement libéré les détenus pour ensuite s’en servir comme miliciens. Rouverte en août 2011, la Maca ne compte plus “que” 2 600 prisonniers, la plupart rattrapés par les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI). D’autres ont préféré revenir spontanément.

Profitant du “vide”, entre mars et août 2011, les autorités ont décidé de rajeunir la prison. Plus de 2 milliards de F CFA (environ 3 millions d’euros) ont été investis pour réhabiliter portails, bureaux et cellules. Mais, pour beaucoup, l’opération est avant tout cosmétique : promiscuité, insalubrité, violence, concussion, drogue, armes… Il faudra beaucoup plus qu’un coup de peinture pour venir à bout des problèmes qui minent cette ville dans la ville.

Laissez-passer

En ce jour de visite, ils sont des centaines à faire la queue devant la prison, munis d’un “billet de communication”, le laissez-passer délivré par le tribunal. En théorie, c’est le seul moyen d’entrer dans la Maca. Mais en théorie seulement, car quelques billets de banque glissés aux gardiens font tout aussi bien l’affaire. Dans le cas de l’auteure de ces lignes, 2 500 F CFA ont suffi.

Le parloir des “droit commun” sent la sueur et l’urine. Prévenus et détenus s’entassent à deux ou trois par box pour s’entretenir avec leurs visiteurs dans une salle sombre. Rien à voir avec le parloir des “assimilés”, les VIP de la prison : un grand hangar bruyant où fonctionnaires, journalistes, hommes d’affaires ou fils à papa “tiennent salon”, installés sur des bancs en bois ou des chaises en plastique. On peut y croiser Denis Maho Glofiéhi, l’ancien chef des milices pro-Gbagbo pour l’ouest de la Côte d’Ivoire ; Ousmane Sy Savané, le directeur général du groupe de presse Cyclone (fondé par Nady Bamba, seconde épouse de Laurent Gbagbo) ; ou le commandant Marcelin Ogou Toli, soupçonné d’être impliqué dans l’assassinat des Français Yves Lambelin et Stefan di Rippel, en avril 2011.

Inspection d’une cellule où sont gardées plusieurs dizaines de personnes. Trois millions d’euros ont été investis pour rénover l’établissement.

Lire l’article entier.