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Canada : plaidoyer contre les dérives des conditions de libération

Imposer des conditions de remise en liberté à des personnes marginalisées brime leurs droits et ne sert pas la justice, estiment des chercheurs dans une étude qui vient d’être achevée et dont Le Devoir a obtenu copie. Les contraintes comme l’interdiction de fréquenter un périmètre établi ou l’abstinence en cas de consommation de drogues conduisent au non-respect à répétition des conditions, ce qui ne fait qu’engorger davantage les tribunaux, ont constaté les auteurs de l’étude qui plaident pour une réforme en profondeur du système de remises en liberté.

Marie-Ève Sylvestre, professeure au Département de droit civil de l’Université d’Ottawa, et Céline Bellot, professeure à l’École de travail social de l’Université de Montréal, ont épluché avec leur équipe les données statistiques de la Cour municipale de Montréal. Le constat est sans équivoque. Alors que les conditions de remise en liberté devraient être l’exception, elles sont devenues la norme et représentent 95 % des décisions recensées entre 2002 et 2014. Ces conditions peuvent être géographiques, comme celles ordonnant au prévenu de ne pas se retrouver dans un périmètre donné. Dans d’autres cas, elles exigent d’un individu qu’il s’abstienne de consommer de la drogue ou de l’alcool, qu’il respecte un couvre-feu ou qu’il ne participe pas à une manifestation.

Entre 2013 et 2015, les chercheurs ont réalisé des observations sur le terrain, ont mené des entretiens auprès de personnes ayant reçu des conditions de mise en liberté ou de probation et ont rencontré des juges ainsi que des avocats, tant de la Couronne que de la défense.

Les personnes marginalisées, qu’il s’agisse de prostituées, d’itinérants ou de consommateurs de drogues, ne sont pas en mesure de respecter les conditions auxquelles elles sont assujetties, ont observé les chercheurs.

Désireux de retrouver leur liberté, ils ne saisissent pas nécessairement les implications des conditions qui leur sont imposées, notent les chercheurs. Ils les acceptent souvent sans regimber afin d’éviter d’être mis en détention, ont d’ailleurs confié des avocats de la défense interrogés dans le cadre de l’étude. “Ce sont des gens qui ont des antécédents, en général, sont en lendemain de brosse ou de drogue. Ils ne sont pas vraiment là, ils ne comprennent rien, ont mal à la tête, sont en rush. Il y en a qui n’ont pas leur méthadone. Ils capotent. La plupart sont à ce stade-là. Tout ce qu’ils veulent, c’est sortir”, a expliqué l’un d’eux.

On revoit toujours les mêmes personnes pour des conditions qui ont été imposées par le tribunal et qui ne sont souvent pas des infractions.“ Marie-Ève Sylvestre, professeure en droit civil

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