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Canada : décès d’un autre prisonnier, les proches des détenus lancent un appel à l’aide

Après l’annonce qu’un détenu de la prison de Montréal, âgé de 72 ans, est décédé de la COVID-19, les familles de personnes détenues et des militants demandent des mesures immédiates et importantes pour assurer la sécurité des détenus et de la communauté.

La prison de Montréal, communément connue comme la prison de Bordeaux, est une prison provinciale. Ce décès est le premier à survenir en milieu carcéral provincial, tandis que dans les pénitenciers fédéraux du Canada, deux autres décès ont été constatés.

Les proches des détenus rejettent la déclaration de la ministre de la Sécurité publique du Québec, Geneviève Guilbault, selon laquelle les mesures préventives mises en œuvre par son ministère fonctionnent bien et qu’il n’y aurait pas de mesure supplémentaire à mettre en place.

Selon eux, Robert Langevin, le prisonnier décédé, était gravement malade depuis plus d’une semaine et il n’aurait pas reçu les soins appropriés et auxquels il avait droit.

Dans le centre de détention de Montréal se trouvent 93 des 96 cas de COVID-19 dans les pénitenciers de la province. La prison de Bordeaux est ainsi la prison provinciale la plus durement touchée par la COVID-19 au Canada.

Le premier cas positif à la prison a été enregistré le 24 avril dernier.

“Les circonstances qui entourent ce décès sont plus que troublantes. Le ministère de la Sécurité publique démontre par son inaction qu’il est indifférent envers les conditions de détention des détenus. L’établissement de Bordeaux n’a pas agi malgré les plaintes de M. Langevin concernant son état de santé depuis trois jours. Ce décès était évitable et, à mes yeux, scandaleux.” Jean-Louis Nguyen, dont le conjoint est incarcéré dans la prison de Montréal

Selon les militants et les familles des détenus, malgré l’aggravation de la situation, la réponse de l’établissement et du ministère de la Sécurité publique a été déficiente.

Des informations que les plaignants disent avoir obtenues de sources à l’intérieur de la prison, les gardiens du centre de détention n’ont pas toujours eu accès au matériel sanitaire, dont des masques et des gants.

“Pour leur part, les détenus n’ont jamais reçu d’équipement de protection individuelle adéquat. Plus important encore, aucune stratégie de dépistage n’a été mise en place par le ministère dans ce lieu de détention. Depuis le début de la crise, le personnel n’a donc pas pu fournir des tests ou des soins de santé adéquats, et ce, même lorsque les détenus présentaient des symptômes.” Extrait du communiqué des plaignants

Les familles des détenus et les militants affirment que plutôt que de fournir des soins de santé, la principale réponse du gouvernement provincial à la crise de la COVID-19 à Bordeaux a été le confinement.

“Depuis le 24 avril, de nombreux prisonniers sont confinés à leur cellule, 24 heures sur 24. Cela signifie que les détenus non ni accès aux douches, ni aux télévisions (ce qui leur permettrait d’avoir accès à l’information), ni même à du matériel de lecture. Ils n’ont pas non plus accès aux moyens de communication, et plusieurs n’ont pas été en mesure de téléphoner aux membres de leur famille jusqu’au 12 mai dernier, moment où les autorités de l’établissement ont commencé à fournir aux détenus un appel téléphonique de 5 minutes tous les deux jours.” Extrait du communiqué

Lors du point de presse quotidien des autorités québécoises, Mme Guilbault, qui est aussi vice-première ministre du Québec, a assuré que des mesures de protection ont été mises en place au sein du réseau carcéral de la province pour limiter, autant que possible, les risques de contamination.

Ces mesures-là fonctionnent dans la mesure où il y a seulement environ 2 % de la population carcérale, en ce moment, qui est infecté, a ajouté Mme Guilbault, avant de souligner que le nombre de personnes contaminées par la maladie à la prison de Bordeaux a diminué.

Les prisonniers de Bordeaux n’ont pas la même opinion que la vice-première ministre.

L’un d’entre eux dit être exposé de force à la COVID-19 et privé de soins de santé appropriés.

“Nous sommes des gens gluants et nous sommes clairement laissés ici pour mourir. Personne ne propose un véritable plan pour empêcher la COVID de se répandre ici. Nous craignons pour nos vies plus que jamais.” Un prisonnier du centre de détention de Montréal

Geneviève Guilbault estime que son ministère a pris les mesures appropriées. Le 6 mai elle a annoncé qu’un certain nombre de prisonniers seraient admissibles à la libération conditionnelle, mais les proches des détenus croient que ce n’est pas suffisant.

“Nous avons maintenant la preuve que l’annonce de la ministre le 6 mai était insuffisante et inefficace sur le terrain. En tant que proche, j’exhorte les autorités à intervenir, une fois pour toutes, afin de prévenir qu’une telle tragédie ne se répète à l’intérieur de ces murs. Le Québec ne peut plus se permettre de continuer à négliger les personnes incarcérées.“ Jean-Louis Nguyen, conjoint d’un prisonnier

D’autres voix s’élèvent

Pour sa part, la Ligue des droits et libertés (LDL) a aussi déploré la mort de M. Langevin. Pour la LDL, cette mort aurait pu être évitée. L’organisme demande à la Direction nationale de la santé publique et au gouvernement du Québec d’agir rapidement et concrètement afin d’éviter d’autres décès en milieu carcéral.

“C’est la première personne décédée de la COVID dans une prison provinciale. Et il se peut fort bien que ce ne soit pas la dernière. Cette mort aurait pu être évitée. Depuis le début de la crise sanitaire, nous répétons sans relâche que la seule solution pour contrer la propagation et éviter une catastrophe humanitaire dans les prisons est de réduire la population carcérale, notamment en libérant les personnes détenues plus âgées. L’homme qui est décédé avait 72 ans. C’est très malheureux.” Lucie Lemonde, porte-parole de la LDL.

La LDL déplore les propos de la ministre Geneviève Guilbault au point de presse de mercredi. “La ministre laisse entendre que les autorités ont pris les mesures nécessaires et que le taux de personnes touchées dans les prisons du Québec est peu élevé. Or, selon les chiffres officiels, 93 détenus ont été ou sont atteints du virus à Bordeaux ainsi que plusieurs membres du personnel. Les ailes de quarantaine sont pleines et plusieurs détenus attendent dans l’angoisse le résultat de leur test. Ce n’est pas rien”, conclut Mme Lemonde.

Parmi les mesures de protection mises en place, les visites ont été suspendues, les peines discontinues se purgent à domicile, toutes les activités pouvant se dérouler à distance ont lieu par visioconférence, et les autorités carcérales ont tenté de maximiser la distanciation à l’intérieur des murs de la prison, a aussi dit la ministre Guilbault lors de la conférence quotidienne du gouvernement du Québec mercredi.