Actualité

Cameroun : la prison de Yaoundé, théâtre d'une mutinerie de prisonniers anglophones

Dans la nuit du 22 juillet, une mutinerie a éclaté dans la prison centrale de Yaoundé. Dans les prisons camerounaises, l’augmentation du nombre de détenus politiques et de séparatistes anglophones détériore davantage les conditions carcérales.

Coups de feu, saccage et incendie à la prison centrale de Yaoundé : les forces de sécurité camerounaises sont intervenues dans la nuit du lundi 22 au mardi 23 juillet pour réprimer une mutinerie de détenus séparatistes et politiques qui protestaient contre les conditions de leur détention. Certains se filmaient via Facebook.

“On entendait les bruits partout, les militaires criaient ‘tirez là-bas, tirez la bas’, beaucoup de coups de feu. Quand j’étais dehors, je ressentais comme si la mort était en train de m’approcher”, a témoigné un jeune riverain à France 24.

Ces coups de feu tirés par les forces de sécurité visaient à empêcher des détenus de s’évader. Une vidéo tournée pendant l’émeute montre des détenus de la zone du Cameroun anglophone exultant pendant la mutinerie. D’autres vidéos ont été postées avec le titre “Prise de la Bastille, la révolution est proche au Cameroun”.

Dans une ambiance crépusculaire, on voit des détenus briser tout ce qui leur tombe sous la main, incendier certains locaux de la prison et chanter l’hymne séparatiste “Ambazonia”. L’un deux crie, en anglais : “ils nous tirent dessus, ils veulent nous tuer”.

Au matin, certains détenus considérés comme des leaders de la révolte ont été sortis de la prison par les forces de l’ordre pour une destination inconnue.

Selon la radio d’État camerounaise, la CRTV, il n’y a pas eu de morts ni d’évasions. Mais plusieurs détenus ont été blessés, selon des sources proches de l’administration pénitentiaire. Parmi eux, l’ancien Premier ministre Inoni Ephraïm, et un ancien ministre, Urbain Olenguena Awono, pris pour cible par d’autres détenus, ont été hospitalisés.

Prévue pour 800 détenus, la prison en accueille près de 5 000.

Connue sous le nom de Kondengui, la prison centrale de Yaoundé est surpeuplée. Prévue pour 800 personnes, en accueille près de 5 000, selon les estimations. De nombreux militants de la cause anglophone arrêtés parfois dès l’éclatement de la crise en 2016 y sont incarcérés. Certains ont été condamnés à de lourdes peines de prison, d’autres attendent d’être jugés.

De nombreux détenus de la prison centrale de Yaoundé, opposants politiques et séparatistes anglophones, avaient commencé à manifester lundi après-midi, diffusant en direct sur Facebook leurs revendications, portant autant sur le changement de leur ration alimentaire que sur leur exigence de libération.

“Nous ne voulons plus manger de maïs en bouillie”, avait lancé, sous les applaudissements, Mamadou Mota, interpellé en juin puis écroué.

Selon Flore Boussi, une militante du parti d’opposition Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) et récemment libérée de la prison centrale de Yaoundé, les prisonniers y dorment “à la belle étoile, sous la pluie et sous le vent. C’était scandaleux et on se demandait où est passée la dignité humaine. Parce que même si nous sommes des prisonniers ou des prisonnières, on a quand même le droit à un espace où nous pouvons dormir. **Je pense que les animaux sont mieux traites que les prisonniers de Kondengui”**, a-t-elle raconté à France 24.

“Les crises s’accumulent, cela fait de plus en plus de prisonniers dans une prison déjà surpeuplée”, constate Maximilienne Ngo Mbe directrice exécutive du Réseau des défenseurs des droits de l’Homme de l’Afrique centrale (REDHAC).

Les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest sont confrontées à une violente crise socio-politique depuis près de trois ans qui a dégénéré en conflit armé.

Le Cameroun connaît aussi des tensions politiques depuis la tenue de la présidentielle d’octobre 2018. Les résultats de ce scrutin remporté par Paul Biya, au pouvoir depuis 1982, sont contestés par le principal opposant, Maurice Kamto, classé officiellement deuxième. M. Kamto est écroué depuis janvier, ainsi que nombre de ses partisans et soutiens.

Lire l’article original