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Belgique : l’Etat condamné à indemniser des détenus radicalisés

La somme est plutôt symbolique, 1 euro par jour de détention, mais elle illustre la relative improvisation du cadre juridique avec laquelle l’Etat belge a créé puis géré les deux sections spéciales “D-Radex” au sein des prisons d’ Ittre et Hasselt.

Ces sections conçues comme des “prisons” dans la prison sont destinées à accueillir les détenus considérés comme des recruteurs pour les milieux djihadistes. L’intention étant de limiter l’influence de ces détenus sur les autres prisonniers.

Si la section civile du tribunal correctionnel de Bruxelles n’a pas le pouvoir de remettre en question le dispositif choisi, le tribunal constate que l’administration pénitentiaire a assimilé le régime en vigueur dans les sections “D-Radex” comme un régime commun, c’est-à-dire semblable à celui des autres détenus ce qui pour le tribunal ne correspond pas à la réalité.

Une section spéciale pour isoler dans la prison

Conçu au départ pour y mettre des détenus “évadeurs” ou des “punis”, les séjours dans ces bâtiments n’étaient pas prévus pour durer longtemps. Les dimensions des cellules et des locaux annexes prévus pour la détente ne sont pas comparables à ceux de la prison. Les détenus “D-Radex” sont soumis à des contraintes particulières (téléphone, parloir, promenades) et à un régime restrictif du point de vue des possibilités de formation, de travail ou d’activités sportives

Pour le juge, “les conditions de détention des demandeurs constituent un régime de sécurité particulier individuel (RSPI)”, un régime prévu par le législateur mais qui est dès lors accompagné d’une série de garanties pour permettre au détenu de faire valoir son point de vue à toutes les étapes de la procédure.

Pas de mesures d’isolement sans garanties pour les détenus

Pour le tribunal, la position de principe de l’Etat belge visant à considérer les sections “D-Radex” sous un régime de droit commun “a eu pour effet d’exclure de facto les demandeurs du bénéfice des garanties légales liées au transfèrement et au RSPI”. Et le juge d’ajouter qu’à trop envisager la question de la radicalisation en prison de manière collective, “peut-être l’Etat belge a perdu de vue l’approche nécessairement individualisée de toute mesure de sécurité particulière”.

La faute de l’Etat belge

C’est la raison pour laquelle, le juge estime qu’il y a bien eu une faute de l’Etat au sens de l’article 1382 du Code civil. “en l’espèce, le transfèrement en section “D-Radex” sans que soient appliquées les garanties citées […] sont contraires à la loi de principes et constituent dès lors des fautes dont les conséquences dommageables peuvent être indemnisées”.

Pour Nicolas Cohen, l’avocat d’un des détenus à l’origine de la citation devant le tribunal, les principaux enseignements de ce jugement rappellent la nécessité “ d’individualiser“ le suivi des détenus en régime particulier mais aussi de leur garantir comme corollaire de ce régime spécial de détention (RSPI), la possibilité de contester les mesures prises dans les formes prévues par la loi.

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